jeudi 22 mars 2007

La discrimination raciale, on est pas près d'en sortir...

Il y a quelques jours est passée une émission sur France Inter qui traitait du problème de la discrimination raciale en France, à tous les niveaux : à l'embauche, au logement, à l'entrée des discothèques, etc... Plusieurs "experts" et auteurs étaient réunis là et les auditeurs pouvaient intervenir, le plus souvent des victimes qui faisaient part de leur témoignage. Je vais essayer de synthétiser tout ça et donner mon point de vue sur la question...

Pris la main dans le sac.

Comme vous le savez sûrement, une nouvelle pratique a été initiée par les associations de lutte contre les discrimination raciales, cela s'appelle le "testing". Cela consiste à envoyer à une même boîte deux CV aux caractéristiques quasi-identiques, à ceci près que l'un porte la photo d'un blondinet qui s'appelle "Patrick Dupont" et l'autre celle d'un individu basané, cheveux noirs et qui s'appelle "Abdelkader Mahioud". L'expérience est répétée plusieurs fois dans la même boîte, et dans d'autres boîtes aussi, ce qui permet de dresser des statistiques qui permettent de dire "Ces gens-là pratiquent une discrimination à l'embauche des plus odieuses", et ce même si le CV de notre maghrébin est un poil plus avantageux que celui de notre bourguignon.

Cela est bien plus flagrant dans les métiers dans lesquels le contact avec la clientèle est la première qualité, paraît-il "un arabe, ça présente mal". Par contre, s'il s'agit de faire de la maçonnerie ou d'être agent de sécurité, c'est moins un problème. Un auditeur l'a d'ailleurs fait remarquer, dans certaines entreprises de sécurité, c'est même la discrimination opposée qui est pratiquée : les agents de sécurité d'un centre commercial sont presque systématiquement des noirs. On pourrait être démago et signaler que dans ce cas-là personne ne se plaint de l'absence de diversité raciale dans ces entreprises non plus, mais bon, passons.

Pour le logement, c'est à peu près la même chose : deux demandes de visite d'appartement qui arrivent l'une après l'autre, pour Mohammed, c'est déjà pris, et pour François qui appelle 10 minutes plus tard, c'est disponible. Il y a au moins un avantage ici par rapport à la discrimination à l'embauche, c'est que là, le mensonge est caractérisé et chiffrable. En effet, il s'agit là d'un commerce qui, d'après la loi, n'a pas le droit de refuser de vendre. Il a certes le droit de demander des garanties, mais une fois celles-ci réunies, il est plus facile d'établir la discrimination que dans le cas de l'embauche où il y a toujours un côté... "intuitif", non chiffrable, non vérifiable. Et surtout, une entreprise peut prendre son temps pour embaucher (même si ce n'est pas toujours vrai), mais un propriétaire lui, veut que l'argent des loyers rentre en permanence et n'a pas de raison de faire traîner son offre et de refuser un client.

Enfin, à l'entrée des boîtes, là aussi c'est facilement vérifiable, Mouloud et Kader qui arrivent, habillés convenablement, sont refoulés et Jasques et Michel, arrivant avec EXACTEMENT les mêmes fringues, même en étant plus vulgaires, passent.

On a tous vu ou lu ces scénarii étalés dans les journaux ou à la télévision, visant à nous inspirer un profond sentiment de culpabilité "vous avez pas honte de vous comporter comme ça ?".


La mauvaise cible ?

Tout ça c'est bien joli, dresser des amendes à des patrons de discothèques, des chefs d'agence immobilière, des commerçants, mais cela va-t-il résoudre le problème ? Je pense que dans toute cette histoire, on se trompe de cible. Laissez-moi vous raconter un truc que j'avais vu à la télé il y a quelques années maintenant pour étayer mon propos.

Bernard Tapie, à l'époque où il était en pleine bagarre avec Le Pen, avait un jour fait une conférence à Marseille, devant un parterre de convaincus (comme ils font tous évidemment), et, au détour d'une tirade, il s'est mis à tenir des propos hallucinants dont voici une transcription approximative (j'ai plus les phrases exactes en tête, mais c'est pour vous donner une idée) :

"A la première occasion, je te les mets tous (ndRafo : les immigrés) dans une grande barque direction l'algérie et dès qu'ils sont au large, j'envoie une torpille et le problème est réglé".

Et à ce moment-là, torrents d'applaudissements dans la salle. C'était hallucinant, il venait de faire un pur discours extrémiste de son adversaire et toute la salle l'acclamait.

Là-dessus, l'ambiance retombe un peu dans la salle et Tapie leur gueule littéralement dessus :

"Vous voyez bien que le problème c'est pas Le Pen... C'est vous bande de cons"... Et là, le froid dans la salle. Tout le monde se sentait ridicule.

L'association d'idées entre le sujet de cet article et cette anecdote m'a fait réfléchir sur la question et m'a amené à la conclusion suivante : on se trompe de cible.

Le problème, ce n'est pas le commerçant qui refuse d'engager un maghrébin, ce n'est pas le patron de boîte qui refuse l'entrée à un Sénégalais ou encore un agent immobilier qui ne met pas un appartement à disposition de Mohammed.
Le problème, ce sont ceux qui font vivre ces personnes, à savoir leur clientèle. J'explique.

On a déjà vu lors de reportages sur la question de l'immobilier, une petite indication figurant dans des dossiers de location, à la demande des loueurs, un truc du genre "PE" qui signifiait "Pas d'Etrangers". Cela avait provoqué un tollé et ce sont les agents immobiliers qui ont été pointé du doigt. C'est là qu'on se trompait de cible.

L'immobilier est un marché, avec des fournisseurs et des clients. Or, comme aiment à le rappeler certains "le client est roi". Si l'agent immobilier a inscrit ceci dans son dossier, c'est parce que le propriétaire qui veut louer son appartement l'a exigé, faut de quoi il s'adressait à une autre agence. Comme la concurrence est rude, si l'agence avait refusé de publier son annonce sous le prétexte de la discrimination qui en ressort, le propriétaire se serait tout simplement adressé à une autre agence moins scrupuleuse. Bref, s'attaquer à l'agence ne fait que déplacer le problème. Celui qu'il faut blamer, c'est le client de l'agence, à savoir le propriétaire qui exige que son locataire ne soit pas bronzé.

Je me rappelle du jour où une personne qui visitait les appartements de mon immeuble, sonne chez moi pour me demander (authentique) s'il n'y avait pas trop d'arabes dans les environs. J'ai machinalement répondu "non", sans chercher à aller plus loin, n'ayant pas envie de me brouiller avec qui que ce soit, mais surtout, abasourdi par le côté direct de cette question. Je précise qu'il s'agissait d'un couple de retraités, depuis un bon moment.

Au passage, une pyramide des ages des sympathisants FN serait assez révélatrice, je ne serais pas surpris d'apprendre que ce sont des retraités qui votent en majorité FN. C'est d'ailleurs la cible principale du JT de Pernaut, le couple de vieux au fond de sa cambrousse qui a super peur du jeune de banlieue qui vit à 180km de chez lui. Si j'ai vu juste, il y a un espoir à long terme... un terme d'environ 30 ans.

Maintenant, si on retranscrit ce schéma dans la discothèque, c'est un peu pareil, même s'il n'y a pas d'exigence explicite de la part de la clientèle, il suffit d'une fois où il y a eu un incident pour inspirer chez le patron la crainte que sa clientèle se réduise si c'est trop brun dans la salle.

Enfin, pour l'embauche, c'est un peu la même chose : pour avoir moi-même travaillé dans une boutique pendant un peu plus de six mois, le mot d'ordre est "accueil". Il y avait 2 maghrébins et un noir qui bossaient là, mais en réserve, en qualité de manutentionnaires. Le côté commercial était intégralement occupé par des personnes "qui présentent bien", des hommes et femmes blancs de peau...

Bref, l'idée de mon propos est que la crainte du bronzé est quelque chose de profondément ancré dans les mentalités, même celles qui vont dire en public "non non je suis pas raciste" et en privé, notamment quand il s'agit de leurs enfants : "Quoi ? Avec toute la racaille qu'il y a là-bas ? Jamais je mets mon gosse dans cette école". Les parents évoquent la sécurité de leurs enfants, c'est tout légitime, mais ça dénote surtout un malaise bien plus profond : la peur du bronzé.


La loi ne résoud rien.

On l'a vu, tout ceci est finalement une histoire de peurs, de craintes, peu importe qu'elles soient justifiées ou non : la peur est quelque chose d'inconscient. Certes ça s'entretient, et le JT de Pernaut fait ça très bien, mais comme tous les inconscients, ils sont irrationels et difficiles à dissiper. Quand quelqu'un vous inspire la méfiance, celle-ci reste présente longtemps. Et on ne dissipe pas les craintes, les peurs, les méfiances avec la loi. Ca ne marche pas. Pire encore, celui qui aura écopé d'une peine en ressortira avec, en plus de ses craintes, de la rancoeur, ou pire encore.

Collez une amende à un arachnophobe chaque fois qu'il panique en voyant une grosse araignée, vous croyez vraiment que c'est comme ça que ses peurs disparaîtront ?

Seule l'éducation peut porter ses fruits, et encore, cela ne se fera qu'à long terme. Mais c'est un travail de bien plus longue haleine et il fallait des solutions immédiates, faute de quoi on aurait reproché au gouvernement en place de laxisme envers les discriminations. Du coup, on a fait vite et mal : en se trompant de cible et en s'attaquant plus à la forme qu'au fond.

Comme je disais en titre, on est pas près d'en sortir.