mercredi 2 décembre 2009

Je râle...

Je râle parce qu'il est 2h du matin, que je suis déjà réveillé et je pète le feu donc ça va être long à lire.

Alors je râle aussi parce que beaucoup ont l'air de s'imaginer que s'ils écrivent n'importe comment, c'est pas grave, on s'en fout (ou plutôt ILS s'en foutent) puisqu'eux-mêmes se comprennent.

Alors là, OBJECTION !!

L'écriture, comme la parole, est un moyen de transférer sa pensée aux autres, plus qu'à soi-même.

Si on parle n'importe comment, on ne transfère pas la bonne pensée (voire on en transmet pas du tout) et on est mal ou pas compris. Parallèlement à cela, on comprend aussi mal les autres. Et surtout, c'est très pénible pour ceux qui écoutent.

C'est pareil quand on écrit n'importe comment.

Et surtout, ça cache un problème bien plus profond : ça veut dire que ceux qui écrivent de façon quasi phonétique ont besoin de prononcer les mots qu'ils lisent pour les comprendre puisqu'ici c'est le son qui compte et pas l'écriture. Le temps perdu quand il s'agit de lire quelque chose doit être invraisemblable. Je les imagine bien tentant de lire un roman de 800 pages... ou même 100.

En général, ceux qui ne savent pas écrire correctement ne savent pas non plus lire correctement. Pour s'en rendre compte très rapidement, il suffit de faire passer quelques tests simples :
  1. Montrez sur un écran une longue liste de mots (environ un millier). Cette liste doit être classée par ordre alphabétique mais ne le précisez pas, ils doivent normalement s'en rendre compte d'eux-mêmes. Demandez de trouver le plus vite possible 4 mots qui en font partie, piochés au hasard. En général, ceux qui ne savent pas écrire correctement et pas lire non plus mettront un temps fou pour trouver les mots, passeront plusieurs fois dessus avant de les trouver ou encore ne les trouveront pas du tout. Les plus gravement atteints ne s'apercevront même pas que la liste est alphabétique.

  2. Arrivez-vous à lire cette phrase ?

    "Sleon une édtue de l'Uvinertisé de Cmabridge, l'odrre des ltteers dnas un mot n'a pas d'ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirere et la dreneire soeint à la bnnoe pclae. Le rsete peut êrte dnas un dsérorde ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas porlbème. C'est prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmêe, mias le mot cmome un tuot."

    Celui qui bute sur les mots a de très grosses difficultés à formuler des mots et/où à les décoder car il ne sait pas distinguer un mot lorsqu'il est écrit de façon incorrecte MAIS QUI RESTE SENSÉE. Savoir écrire correctement, c'est aussi savoir corriger les erreurs.

    En effet, dans la phrase citée ci-dessus, si les mots ont leurs lettres dans le désordre, ces lettres sont quand même les bonnes. Si on ajoute des fautes d'orthographe à l'inversion des lettres, là ça devient beaucoup plus compliqué. Encore faut-il connaître soi-même les bonnes lettres qui doivent formuler le mot.

    Je fais également la distinction entre la faute d'orthographe et la faute de frappe. Je peux vous citer l'exemple d'un collègue qui vient me demander ce que veut dire le mot "omportant", sans même s'être rendu compte que ce mot n'existe pas, que c'est une coquille et que le mot correct dans la phrase était "important".

    Tenez,
    un autre exemple de coquille.

  3. Choisissez quelques mots assez compliqués et peu usités (des termes médicaux par exemple), épelez-les normalement, ni trop vite, ni trop lentement et demandez à la personne en face de vous de reconstituer le mot. Plus la personne se retrouve handicapée dans sa manipulation de l'écrit, plus cela lui prendra de temps, et il est fort probable qu'elle ait besoin d'écrire ce qu'on lui épelle alors que la reconstitution doit se faire mentalement. L'inverse marche aussi : si vous demandez à quelqu'un d'épeler une phrase, c'est rapidement la catastrophe, non seulement parce que ça sera bourré de fautes, mais en plus parce que la personne ne voit pas les mots comme des ensembles de lettres ou de syllabes.

Bref, quelqu'un qui écrit n'importe comment échoue en général assez lamentablement à ces tests et dans beaucoup de métiers où la communication, notamment écrite, est importante, c'est tout simplement éliminatoire.

Pour celui qui est coffreur sur des chantiers de BTP, ce n'est pas bien grave évidemment, mais inutile d'espérer un jour évoluer vers un poste à responsabilités où il s'agit de rédiger des rapports d'activité pour ses supérieurs par exemple, ou plus haut encore, lire les rapports de ses subordonnés afin d'en dégager une synthèse cohérente. Et là, il ne s'agit nullement de discrimination, c'est celui qui n'a pas bien appris qui se discrimine lui-même et se condamne à des postes subalternes sans aucune possibilité d'évolution, aussi minime soit-elle.

On peut aussi parler des métiers de la communication où il faut rédiger des documents à valeur contractuelle, ou même des métiers juridiques : une faute de frappe sur un document du greffier, ça fait un mot à la place d'un autre, le correcteur automatique de Word ne voit rien (puisque le nouveau mot fait aussi partie du dictionnaire et la phrase garde un sens, il faut arrêter de faire confiance à ce truc) et c'est un violeur récidiviste qui est libéré. L'histoire est authentique et remonte à quelques mois.

Enfin, j'ai entendu il y a quelques semaines l'intervention radio d'un professeur d'université qui expliquait qu'une proportion de plus en plus grande d'élèves qui y entrent n'ont pas les bases de la lecture/écriture et qu'ils (les profs) sont obligés de mettre en place des cours de mise à niveau. Les élèves sont majeurs, se pointent à l'université sans être capables de lire/écrire/prendre des notes correctement et c'est l'université qui s'occupe de leur apprendre la syntaxe, la grammaire, l'orthographe alors que cela s'acquiert dès l'école primaire (en somme, c'est trop tard). Ceux-là, ils sont mal partis, vraiment et je ne les vois pas passer le cap de la première année, ni même du premier trimestre. Et je ne parle pas des profs en collège ou lycée qui s'arrachent les cheveux à corriger des copies indéchiffrables. A propos, fait-on toujours des dictées dans les écoles primaires et les collèges ? J'ai entendu un parent d'élève il y a quelques années me dire que non, ça ne se faisait plus. Si c'est toujours le cas, ça explique bien des choses.

Conclusion : si vous avez des gosses, suivez attentivement leur apprentissage de la lecture et de l'écriture, c'est vital pour leur avenir.

Deux anecdotes qui me viennent en tête, là tout de suite :
  • Le fameux "mer il et fou" tapez ça sur google, le thread sur gamekult est ULTIME ! Rien que la première page, c'est fabuleux. Il a même eu droit depuis à son site dédié "meriletfou.com", truffé d'images clin d'oeil et très drôles.
  • Lu hier sur un bon de dépot SAV d'une imprimante, dont le client a reçu un exemplaire qui a valeur contractuelle : "claper cassez"