mercredi 7 janvier 2009

De la Léonite à la Lagardite

Je voudrais vous parler d'une maladie qu'on pourrait situer à mi-chemin entre l'optimisme selon le bobo moyen et l'optimisme selon Les Bisounours ou l'Île aux enfants avec Casimir. Une maladie qui pourrait sembler bénigne, qui prêterait à sourire, voire à moquerie si une des personnes atteinte de cette maladie n'exerçait pas une des plus hautes fonctions de l'Etat.

Quels sont les symptômes ?

Globalement, cette maladie se détecte chez les personnes affichant un optimisme béat même dans les circonstances les plus dramatiques. Un extrême du genre pourrait être par exemple le fait de prétendre pouvoir respirer normalement alors qu'on a la tête sous l'eau (pour un être humain évidemment, pas pour un cabillaud). Une citation célèbre qui s'applique très bien sera "tout va très bien, Madame la marquise".
  • Un camion te fonce dessus ? "Pas de problème, je suis à l'abri, le camion ne peut pas me toucher"
  • Tu t'apprêtes à prendre le volant sur une route totalement verglacée ? "Je n'ai rien à craindre, j'ai des pneus tout neufs"
  • Tes enfants sont sur le point de manger du poisson avarié ? "Mangez, les enfants, votre organisme est plus fort"

et plus concrètement et plus récemment :
  • Les hypermarchés se sucrent comme des porcs sur le dos des ménages en vendant le kilo de poireau à trois fois le prix ? "Tout va bien, j'encourage les français à faire jouer la concurrence".
  • Le prix du baril de pétrole atteint des sommets et les gens commencent à se rendre compte que leur voiture est un gouffre à fric ? "Les français vont tout simplement faire du vélo"
  • La planète s'enfonce dans la plus grave crise financière et sociale qu'elle ait jamais connu ? "Notre pays est protégé, nos banques ne jouent pas avec ce genre de feu".
  • Gazprom coupe les robinets du gaz vers l'Ukraine, qui alimentent une bonne partie de l'Europe ? "Tout va bien, GDF-Suez a largement de quoi répondre à la demande"

Naturellement, il y a un second symptôme qui conïncide avec le premier que je viens de vous énoncer, c'est celui de se planter systématiquement, la première comparaison qui m'est venue à l'idée est Léon, personnage tiré du film "Le Viager" de Maître Pierre Tchernia :





Bref, chaque fois qu'une personne atteinte de Lagardite Aiguë dit une phrase, c'est forcément une connerie. Ainsi pour reprendre les quatre points que je viens de citer :

  • Les hypermarchés, c'est le concept du "tout sous le même toit" : vous vous voyez faire tous les hypers de votre région (et ainsi dépenser un plein d'essence chaque fois que vous faites vos courses) pour "faire marcher la concurrence" ? Et quelle concurrence ? Celle entre Carrefour, Champion et Ed ? C'est le même groupe, la même centrale d'achat, les produits viennent du même endroit et ils se sucrent autant dessus. A ceci près que chez Ed, c'est UN PEU moins cher, mais de BEAUCOUP plus mauvaise qualité : à toi l'infarctus à 45 ans et le cancer du pancréas parce que tu auras mangé de la merde toute ta vie.
  • Tout le monde peut se rendre sur son lieu de travail à vélo, bien sûr, maintenant qu'on a tellement fait grimper les prix de l'immobilier que la classe moyenne habite à perpète et est obligée de payer en bagnole ce qu'elle n'a pas pu payer en logement. Allez, toi qui habite Villeparisis, tu vas aller bosser à vélo pour gagner ton SMIC à EuroDisney, pas de problème.
  • Toutes les grandes banques françaises sont tellement à l'abri, ont été tellement prudentes et ont tellement vu le traquenard arriver sur elles qu'elles ont du aller chouiner auprès du gouvernement pour demander des milliards sortis de nulle part pour continuer à boursicoter tranquillement, comme le joueur de roulette auquel le casino propose sans cesse une rallonge pour qu'il continue à se planter. Et au passage, continuer à pratiquer des taux hallucinants pour se refaire une santé sur le dos des emprunteurs alors que les taux interbancaires s'effondrent.
  • GDF-Suez annonce le lendemain de cette magnifique déclaration qu'il s'attend à une importante pénurie d'approvisionnement (ah ben la voilà, la hausse du prix du gaz que le gouvernement a refusé il y a quelques semaines).

Vous allez vous dire que quelqu'un qui se comporte comme ça devrait vite écrire à Sarkozy pour lui demander qu'on l'autorise à recourir à une aide pour mettre fin à ses souffrances. Eh bien non, figurez-vous que cette personne se porte très bien, enfin le prétend. Et surtout, cette personne est aujourd'hui notre ministre de l'Economie et des Finances.

Petit florilège pour présenter le personnage :

en images :



(il y a un principe oriental qui veut que le corps et l'esprit soient en harmonie. Regardez-moi cette tête, ça vous inspire rien ?)

et en audio (chronique sur Europe1 le 07/01/09) :

Je rends à César ce qui lui appartient, c'est à notre ami Seb Musset que l'on doit l'expression "Lagardite aiguë".

Si vous rencontrez dans votre entourage une personne atteinte de cette maladie, appelez tout de suite le vétérinaire pour la faire piquer car cette maladie semble contagieuse dans certains environnement sociaux, mais surtout affecte des personnes amenées à prendre des décisions qui affectent l'avenir d'un grand nombre de personnes, et pas dans le bon sens, je le crains.

dimanche 2 novembre 2008

On prend les mêmes...

... et on recommence.

Extrait de l'émission "Les Grandes Gueules", sur RMC. Cette émission remonte à une dizaine de jours.
Je me bouge enfin pour que le fichier sonore soit facilement accessible.

L'émission revenait sur les deux dirigeants de la Caisse d'Epargne, suite aux centaines de millions d'euros perdus dans des placements à risque en pleine période de crise financière.

Mais écoutez donc (j'aurais bien mis "écoutez plutôt", mais je n'ai pas d'enregistrement de ses jappements).



Le monde de la finance est vraiment incorrigible. Et ça s'est pas arrangé par la suite.

On apprend dans cet article (en anglais) que Goldman-Sachs, énorme banque d'investissement américaine, après avoir touché l'équivalent de 10 milliards d'euros d'aide d'urgence, visiblement très satisfaite de se voir ainsi tirée d'affaire, et désireuse d'utiliser cette somme à bon escient, par exemple en relançant sa machine de prêt, a finalement changé d'avis et à reversé cette somme plus un petit bonus à ses cadres les plus méritants.

Cet argent n'ira donc pas dans le circuit économique pour lequel il est prévu, et vous vous doutez bien qu'il n'atterrira pas non plus dans le circuit de la consommation (vous vous voyez faire pour 10 milliards d'euros d'ACHATS, même à plusieurs ?). Nul doute que cet argent se retrouvera..... sur les marchés financiers.

J'ai pas déjà dit que le monde de la finance était incorrigible ?

Comment voulez-vous qu'on ne les déteste pas, ces gars-là ? Et c'est les mêmes qui viennent ensuite faire la morale à la population en nous faisant culpabiliser, qu'on coûte trop cher, qu'on travaille pas assez, et qu'on devrait déjà s'estimer heureux d'avoir tout juste de quoi vivre, à leur bon coeur m'sieu-dames.

Pour finir quelques témoignages d'auditeurs qui parlent de leur relation avec leur banque :

mardi 23 septembre 2008

Loin, très loin...

Aujourd'hui, Sarko est allé se pavaner devant la tribune de l'ONU pour dire aux américains "houuu c'est pô bien, messieurs les riches, ce que vous faites avec les sous, surtout ceux d'autres riches. J'ai Bolloré, Bouygues, Bouton* et Seguela qui me cassent les couilles parce qu'ils perdent de la thune à cause de vous, vous êtes contents ?".

Bon, là je vous ai fait la version littéraire.

Mais sa phrase qui m'a le plus scié, c'est celle-ci : "Les gens ont peur pour leurs économies, leur maison, leur emploi, leur compte en banque...".

Arrêtez, je vais pleurer ! Ce type est vraiment à 100 millions d'années lumières des préoccupations de ses concitoyens. Les seuls qui craignent pour leurs économies, leur maison, leur emploi et leur compte en banque, ce sont surtout ceux qui ont tout ça.

Croyez-vous qu'il y aura un mot pour ceux qui n'ont ni économies, ni maison, ni emploi, ni même de compte en banque ?

* Daniel Bouton, le patron de la Société Générale.

samedi 12 juillet 2008

Convergence forcée

On le sait tous, l'économie et l'environnement ne font souvent pas bon ménage. L'illustration la plus parlante de cette phrase est le refus par les Etats-Unis de ratifier le protocole de Kyoto, prévoyant une réduction substancielle des gaz à effet de serre, sous le prétexte que cela nuirait à l'économie américaine... Bon en fait ce qui nuit à l'économie américaine, c'est son propre fonctionnement et surtout son système financier, mais passons.

Dans un contexte où on s'inquiète de plus en plus de la raréfaction des matières premières et donc de leur coût, le premier étant arrivé dans la mare étant le pétrole, les autres arrivant ensuite, notamment les métaux, il sembleraient que quelques industries commence à regarder le recyclage d'une autre façon. Ce recyclage qui est quand même le fer de lance des écologistes, qui reprennent finalement assez justement la célèbre phrase de Lavoisier : Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. Là où les grands groupes nous disent que rien ne se crée (pourquoi innover quand l'actuel rapporte autant ?), rien ne se perd (on récupère tout le pognon), tout se consomme (donc, se détruit).

Je disais donc, dans ce contexte, quelques entreprises naissent ou s'améliorent dans le but de fournir un recyclage de qualité et surtout économique et efficace. L'une d'elle s'appelle RECUPYL.

Cette société, créée en 1993 et basée sur la région grenobloise, avait pour objectif initial le retraitement des piles usagées et des batteries utilisées par exemple dans les téléphones ou ordinateurs portables. Les produits qu'on y trouve sont non seulement coûteux mais aussi très toxiques et doivent être traités convenablement. Mais il ne s'agit pas ici que de traitement, mais aussi de valorisation de ces produits, permettant la récupération de nombreux composants, comme le cobalt par exemple, et en "neutralisant les métaux lourds et les solvants contenus dans ces batteries".

Mais cette société ne s'arrête pas là, elle s'est aussi attaquée à d'autres composants de notre confort et de nos loisirs qui contiennent nombre de composants recyclables et sur lesquels elle sait être très efficace, par exemple les écrans à cristaux liquides, les écrans à tube cathodique, et, chose inattendue, les résidus d'épuration de fumés d'incinération d'ordures ménagères. Ben oui on y pense pas assez mais quand on parle d'incinération de déchets, imagine-t-on un instant la fumée de ces incinérations partir dans la nature ? Le mal serait encore pire.

Et surtout, là où je veux en venir, c'est que d'ici peu, si ce n'est déjà fait, les grands groupes finiront bien par s'y intéresser, le transport étant amené à l'avenir à être de plus en plus coûteux, pouvoir recycler des matières premières sur place et avoir moins à les faire voyager rendra le recyclage plus attractif et les recycleurs deviendront tout à coup les meilleurs amis des industriels.

Ce qui est juste triste dans tout ça, c'est que c'est la peur du porte-monnaie vide qui fait réagir les gens, pas la crainte de tous mourir à 60 ans (voire moins) d'un cancer parce que notre atmosphère aura été polluée au point de non retour (qu'on a peut-être déjà atteint, allez savoir).

Je me rappelle une citation d'un commentaire sur un blog américain : "Tell the people their full gas tank kills ten trees and it's no big deal. But tell them it costs an additionnal 25¢ per gallon and it's the biggest deal in the world."

En français dans le texte : "dites aux gens que leur plein d'essence va tuer dix arbres, il n'y a pas de quoi en faire un fromage. Mais dites-leur que le gallon coûtera 25 cents de plus, et ça devient le plus gros fromage du monde".

Vous croyez qu'on en sortira un de ces jours ?

Pour terminer, voici la vidéo de présentation que RECUPYL met sur son site.









Pour aller sur leur site, cliquez sur leur logo un peu plus haut dans l'article.
Je me demande s'ils organisent des visites, histoire d'y faire un petit reportage (bon je dis ça comme ça hein, je me doute que c'est pas gagné).

Bravo à eux en tous cas, et pour paraphraser Giscard : "On a pas de matières premières, mais on a des idées". Espérons juste que ces idées continueront à fleurir et qu'elle seront viables économiquement, il serait triste de voir de telles entreprises disparaître "parce que c'est pas rentable".